Once and for all. Damon feat. Winnie | | Les peines du temps présent seraient bien peu de choses, si elles ne nous rappelaient pas le souvenir des plaisirs du temps passé. Nous ne nous plaignons de ce qui est, que parce que nous regrettons ce qui n'est plus. Δ Jean-Jacques Rousseau | Winnie avait beau avoir été entourée par des vampires pendant des années, elle n'en restait pas moins humaine. Et en tant que telle, la mort avait une signification beaucoup plus radicale. Certes, elle savait qu'autour d'elle, beaucoup en étaient revenus. Dont Damon justement. Mais dans son esprit, ça voulait dire la fin. Même si elle ne cesserait jamais de chercher un moyen de le ramener à elle, égoïstement. Alors il avait tort de croire, ne serait-ce qu'un instant, qu'elle pourrait enfin passer à autre chose. Elle avait passé des mois à chercher à ramener Klaus, elle passerait des années, elle passerait peut-être même sa vie à élaborer un sort, un plan, à trouver un moyen de ramener Damon. Comment pouvait-il envisager les choses autrement ? De ce côté là, ça virerait forcément à l'obsession, peut-être qu'elle y perdrait sa santé mentale.
Il y avait tout un tas de solutions. Quelque part dans les grimoires d'Esther, ou dans ceux des Parker. Elle pourrait peut-être trouver un moyen d'altérer le remède qui coulait à présent dans ses veines. De modifier ses effets. De vider son sang du poison. De cacher son esprit dans un objet comme Freya l'avait fait par le passé. Ou de créer un monde parallèle rien que pour lui comme pour Kai. Il y avait forcément quelque chose. Le problème c'était le temps or le temps... ils n'en avaient pas.
Il était évident qu'elle ne saurait jamais faire le deuil de lui...
Et quelque part, il s'en rendait compte. Malgré la peur qui la rongeait et la panique qui la secouait de la tête aux pieds, lorsqu'elle sentit son contact, elle comprit. Elle comprit qu'il disait ces mots pour elle et non pas pour lui. Elle comprit que c'était lui qui essayait de la rassurer et non l'inverse. Voilà pourquoi elle ne lui parla pas de toutes ces idées qui lui avaient traversé l'esprit.
Ça la rendait malade d'imaginer qu'il devait encore porter ce poids sur ses épaules. Qu'il pensait à elle d'abord, dans ce moment final. Alors même si son cœur hurlait sur Damon. Même si toute sa personne voulait lui dire que Non. Non, ça n'irait pas pour elle ! Que ça n'irait plus jamais pour elle. Elle esquissa un sourire résigné et hocha la tête. Parce que c'était l'image qu'elle devait lui montrer. Parce que ce qu'il voyait d'elle ne pouvait pas être une femme brisée ou dévorée par la haine et la violence. Parce que si ce devait être leurs derniers instants alors il devait pouvoir apercevoir la femme qu'il avait aimé. Le sourire aux lèvres, même si ça la déchirait de l'intérieur. Même si son âme venait de s'enflammer, même si sa mort la damnait. Il ne devait pas savoir. Il ne devait pas le voir...
Elle ne voulait pas sauver tout le monde. Juste lui. Rien que lui. Elle venait de livrer son monde entier sur un plateau dans cette optique et c'était totalement vain. A bien y réfléchir, elle se demandait si ce n'était pas ça qui faisait les grands méchants dans les histoires. Des hommes, des femmes à qui l'on avait tout arraché jusqu'à ce qu'il ne reste rien d'eux qu'un désir de vengeance, qu'une aigreur cruelle. On ne pouvait pas éternellement arracher des parties d'elle et espérer qu'elle en ressorte inchangée.
Non... elle ne pourrait pas sauver tout le monde il avait raison, elle y avait déjà pensé. Alors quoi elle devait délier les Mikaelson qu'elle pouvait ramener, c'est-à-dire les filles seulement et vivre avec ça ? Sur la conscience. C'était ça la solution ? Peut-être alors que Freya saurait faire le reste mais c'était peu probable maintenant qu'elle avait utilisé le sang des loups-garou pour ce remède... inefficace.
Oui, elle l'écoutait. Oui elle hochait la tête comme si elle comprenait, comme si elle allait faire précisément ce qu'il lui disait, mais il savait qu'il faudrait plus que cela pour la réveiller à la réalité. Qu'est-ce qu'il croyait ? Qu'elle allait en profiter pour aller visiter le Pérou ? Est-ce qu'il s'entendait ? Dire qu'elle lui avait dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi il n'avait pas fait ce genre de choses quand ils s'étaient séparés ! Il s'était énervé et il avait audace de lui faire le même coup alors qu'il était mourant ! Un sourire ironique apparut sur ses lèvres quand elle l'entendit. Au milieu des pleurs, des larmes, elle se mit à rire et elle releva la tête vers lui. Qui d'autre que lui aurait pu être être assez absurdement agaçant pour la faire rire dans un moment pareil...
"Je sais." Elle était complètement trempée. Le ciel ne se calmait pas. L'eau ruisselait de ses cheveux. Des orages s'abattaient autour d'eux et elle l'aimait. Comme au premier jour. Jusqu'à ce que la mort les sépare. Après tout elle n'avait jamais eu besoin de dire oui. Elle passa ses bras autour de lui et ferma les yeux. Il allait mourir. Mais penser à elle, qu'il soit dangereux ou non elle ne savait pas faire. Surtout pas maintenant. Il était tout ce qui importait, jusqu'à la dernière seconde et au-delà.
Et puis elle eut bientôt un autre homme entre les bras. Ses yeux s'ouvrirent comme ceux d'un chat lorsqu'il chasse. Plus sombres, plus profonds et déterminés. Et pourtant. Quand elle vit ceux de Damon, elle ne bougea pas. Il n'était plus là, elle le voyait. La brisure qui s'installa dans son coeur l'empêcha de réagir immédiatement. Au fond d'elle ses dernières attaches à ce monde se délitaient, la laissant dériver sur un océan sombre.
Elle retint le cri entre ses lèvres de peur que cela réveille une partie de lui capable de ressentir une culpabilité juste avant de rendre l'âme. Elle ne voulait pas que ce soit le dernier sentiment qu'il connaisse. Elle ferma les yeux quand la douleur de sa morsure lui déchira la peau. "Ce n'est rien." Souffla-t-elle comme pour le rassurer. Elle n'avait pas la force de le repousser. Elle n'avait ni la force physique, ni la force magique ni... ni la force mentale. Et si elle devait mourir maintenant, serait-ce vraiment une si terrible mort ? Dans ses bras, en même temps que lui. "Ce n'est rien." Répéta-t-elle. "Je t'aime." Elle accrocha ses bras autour de lui. "Je t'aime toujours." Fidèle à elle-même, elle avait un mauvais timing... Quelques secondes plus tôt, cela aurait pu être les derniers mots qu'il eut entendu, mais non... elle avait sans doute attendu quelques secondes de trop et il ne le saurait sans doute jamais.
***
Elle avait perdu le fil du temps. Les secondes s'étaient accumulées. Le sang, tout était devenu rouge carmin. Dans ses bras, elle avait presque perdu connaissance. Au début la douleur avait été insoutenable mais plus le liquide la quittait et plus elle s'enfonçait sur un nuage. C'était étonnement apaisant, comme s'il n'y avait qu'à... accepter son sort, qu'à se détendre et se laisser aller... Elle était prête pour ça. Après ces combats, après une vie de lutte, elle y avait droit. Elle l'avait mérité. Elle l'avait bien mér...
Le choc fut soudain. Violent. Inattendu. Elle gisait toujours par terre, elle avait à peine assez de conscience pour voir qu'il ne la tenait plus. Le fait que ses dents aient quittées sa chair raviva la blessure de façon terriblement vive. Elle gémit, réalisant soudain qu'elle était toujours vivante. Petit à petit les premières questions furent répondues, où était-elle, où était-il ? Que s'était-il produit ? Elle se redressa à peine sur ses poignets. Juste assez pour voir trois corps. Nik ? Cela réveilla en elle un instinct qu'elle n'avait plus. Il était inerte, visiblement toujours en proie au poignard qui le faisait souffrir. Comme dans le coma. Ce n'était donc pas lui qui avait bougé. L'autre vampire se releva, chancelant. Henrik Mikaelson se tenait devant elle. Il était maculé de sang. Les veines de son cou, noircies par le poison.
Les yeux dans les yeux, ils se regardèrent. Certaines images de lui, revenaient à la blonde. Elle le voyait tellement flou. Il se pencha au dessus d'elle. Il tenait le poignet de Klaus et l'enfonça entre ses lèvres. Elle ne savait pas pourquoi il ne lui donnait pas son sang à lui. Elle eut à peine assez de conscience pour se poser la question. L'effet prit quelques secondes. Elle se sentit mieux, mais pour autant, elle ne guérit pas totalement. Elle avait d'ailleurs tout un tas de flash qui lui montait au cerveau. Henrik était dans chacun d'eux. A l'époque où elle n'avait encore jamais mis les pieds à Mystic Falls. A l'époque où elle n'était pas censé le connaître. Qu'est-ce que cela signifiait ? Quand ses yeux se rouvrirent, elle regarda sa nuque. Il s'était fait mordre par Marcel, évidemment. Elle avait su depuis son arrivée dans les ruines tout à l'heure que ce serait l'issue de ce combat. Lui aussi le savait. Elle l'avait vu dans ses yeux. Mais il était prêt. Aussi prêt qu'il pouvait l'être. Il ne l'avait jamais autant été. Elle tendit la main et il l'attrapa. Il la releva et à son contact, elle se vit danser avec lui. Loin si loin d'ici. Quand elle vivait encore près du Golfe du Mexique. Ils avaient traversé la frontière ensemble. Elle le vit la mordre. Elle se vit le gifler. Elle vit leur dispute. Elle vit le monstre qu'il avait été. Ses yeux sombres, l'humanité disparue. Elle se rappela ses longs mois à ses côtés. Chaque fois qu'il rechutait. Elle entendit ses mots. Chaque fois qu'il parlait de sa femme. Chaque fois qu'il parlait de sa fille. Un nombre incalculable de scotch, de gin. Des paris, des défis. Des rires, des colères, des larmes. Et puis ce feu de camp mexicain, auprès duquel elle était allée s'asseoir quand la danse s'était terminée. Et ses mots. "Puisses-tu ne jamais rencontré d'autres vampires. Jamais à nouveau l'un des miens, Winnie Shell. De toutes les femmes, la seule qui aura pu me ramener à la raison." Elle se souvenait comme s'il avait prononcé ces mots hier. "Puisses-tu oublier jusqu'à mon nom, mon existence et notre histoire." Elle se souvenait des larmes qui avaient coulées sur ses joues. Elle se souvenait d'avoir eu la force de dire "Non." Et aujourd'hui elle réalisait pourtant qu'elle l'avait fait. Elle avait tout oublié pendant tellement d'années... Alors à cet instant, elle le retrouvait et le perdait à nouveau. Le voile se levait. Il avait été tout son univers pendant près d'un an. Un ami comme elle n'en avait jamais eu. Il aurait été son frère plus qu'Elijah ou Kol ne l'avait jamais été s'il n'avait pas été si borné...
"Pourquoi ?" Dit-elle en battant des paupières, la voix emplie de tristesse. De détresse. Le brun baissa la tête pour la regarder avec ce sourire provocateur qui lui était propre. "Mais par amour, ma chère." Elle resta sans voix, quel argument pouvait-il y avoir face à celui-ci ? Elle, qui, pendant tant d'années avait juré que cet homme n'aimait que lui-même. Combien de fois avait-elle parlé de lui sans savoir ? Il passa son bras sous elle et la porta jusqu'à Damon prenant soin de vérifier que le vampire n'était plus en mesure de lui porter atteinte. Tout le monde ici était dans un état lamentable. Proche de la mort. Quand il se baissa vers le vampire, il perdit l'équilibre et faillit lui tomber dessus. Finalement il empoigna le haut du brun et l'arracha pour voir ses plaies. Winnie resta en retrait le regardant faire. Au bout de quelques instants, il sourit.
Il se tourna vers elle et puis regarda à nouveau Damon. "Ca marche." Il retira à son tour sa chemise, et la blonde put découvrir le venin qui se développait à vue d'oeil. Sur son épaule près de son coeur. Le long de son bras gauche... Les yeux de Winnie suivirent ce tracé mortel. Millimètres après millimètres, lentement le venin rongeait son corps, comme une lente conquête.
Henrik Mikaelson se releva. "Tu es sûr ?" Commença la blonde, mais quelque part, elle voyait que le venin de Damon restait immobile. En revanche rien ne laissait penser qu'il reculait. Etait-ce simplement figé ? Pouvaient-ils réellement espéré que son état s'améliore ? Dans tous les cas, il fallait aussi administrer cet espoir au plus jeune des Mikaelson, c'était urgent. "Il me reste des remèdes, je vais..." Le brun la coupa d'un mouvement de main sec. "C'est trop tard pour moi." Annonça-t-il sans ciller. Et la blonde retint son souffle. Quand est-ce que cette journée s'arrêterait ?"Mais j'ai encore des faveurs à te demander." La blonde remonta ses yeux jusqu'à ceux de celui qui aurait pu être son meilleur ami depuis près d'une décennie. "Je veux effectivement que tu me les donnes... J'en administrerai un à Kol et un à Elijah. Mais ce que je veux que tu fasses. C'est ramèner Freya et la laisser s'occuper du reste. Winnie, tu es des leurs, plus que je ne l'ai jamais été. C'est pourquoi... tu dois vivre loin d'eux. Loin de nous. J'ai toujours su qu'on serait ta perte. Et maintenant si tu me le permets... je vais faire mes adieux à ma fille." Il embrassa longuement le front de la blonde en la serra contre lui puis se détacha d'elle comme un mirage emportant avec lui des souvenirs brumeux. Alors l'adolescente inconnue était Eve Mikaelson... Elle ferma les yeux avec un sourire inespéré, finalement, il l'avait retrouvée.
Alors la blonde se laissa tomber à côté de Damon et le tira contre elle sans savoir s'il était revenu à lui. "Je n'abandonnerai jamais. Tu m'entends. J'ai perdu trop de gens. Jamais. S'il n'y a qu'une infime petite partie de ce qu'il a dit qui puisse être vraie... Je vais rester à tes côtés jusqu'à ce que tout ce poison t'emporte ou que le remède gagne." Face à eux gisait Klaus, mais c'est vers Damon qu'elle tourna le visage. "On s'en va." Annonça-t-elle déterminée. Elle se leva difficilement et tendit la main vers lui. "Toi et moi, on s'en va..."
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